Les Complications commencent...


Imageoute autre fonction que l'heure, sur une montre mécanique, est appelée complication.
En fait, tout ce qui sort de ce qui est décrit dans le fonctionnement d'une montre mécanique simple est une complication.
En fait, pour mon cerveau, une montre mécanique simple est déjà une complication, mais ça...
Aux titres de complications, on trouvera les fonctions supplémentaires (ou complémentaires) telles que les petites secondes, le chronographe, les tri-quantièmes, mais aussi les améliorations de fonctionnement comme le tourbillon, le résonateur ou le carrousel.
En fait, et pas seulement pour mon cerveau, on appelle complication tout ce qui complique une montre au delà de son fonctionnement simple, tout ce qui rajoute des roues, des cliquets et autres mécanismes, à celui de base, servant uniquement à reproduire le schéma suivant :
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De manière plus exhaustive, on y trouve :
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- les indications de date ; le quantième du mois, le mois et/ou le jour de la semaine. Parfois même on se complique la vie en précisant la semaine de l'année (utile pour les comptables et autres administrateurs).
Ces indications font parti des plus utiles car elles offrent une valeur très précise que les progrès technologiques et l'électronique n'ont pas rendues plus précise. Un lundi 22 Février reste un lundi 22 Février, qu'il soit indiqué par des aiguilles, des disques tournants ou un ordinateur avec quadri-pentium à lave-vaisselle intégré. Sur une montre mécanique, ces indications se fondent sur un système de démultiplication à partir de la roue des heures... on distingue alors les quantièmes simples, les annuels et les perpétuels (bon, un certain Cepheus ajouterait les séculaires).
Les simples ne sauront vous dire si le mois en cours pose 30 ou 31 jours et nécessiteront donc 5 réajustements manuels par an.
Les annuels ne savent pas qu'il y a des années bissexuelles, ni même que le mois de Février est celui où les hommes politiques disent le moins de mensonges car il ne comporte que 28, et au mieux 29 jours ; il faudra donc faire une correction chaque année.
Les perpétuels sont... perpétuels ! Ils ne sont à remettre à jour que lorsque la montre s'arrête car ils savent bien que le mois de Février ne comporte au mieux que 29 jours, et ce, seulement tous les 4 ans.
Notez d'ailleurs que suivant le type de mouvement perpetuel (came de 12 ou de 48) on aura l'indication de l'année bissectrice ou pas. (Un bon Suisse dirait : "c'est une année bissexive ou bien ?")
Les séculaires, je n'en parle même pas... ça correspond aux montres trop compliquées. En effet, tous les 400 ans, comme Grégoire et Jules ne se sont pas mis d'accord, une année bissextile ne l'est pas ; vous comprenez ? Moi non plus. C'est pour ça qu'on dit que c'est compliqué.
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- l'indication de la phase de la lune ; la plus jolie et probablement la plus poétique, sauf si l'on s'en sert pour se souvenir du "mauvais temps" dans le couple. Cette complication n'est vraiment utile qu'aux adeptes de la biodynamique et aux loups-garrous (ou ceux qui vivent à côté, là-bas, en transylvanie). Là encore, plusieurs systèmes pour différentes complications : une lunaison dure exactement 29 jours, 12 heures, 44 minutes et 2.8 secondes... allez me reproduire ça en un rouage, Charles ! Il y a donc les phases de lune simple, à réajuster d'un jour tous les 2 ans et demi, et les "astronomiques" qui ne se décalent d'un jour que tous les 122 ans, juste bien pour léguer sa montre déréglée à son arrière-arrière petit-fils.
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- les autres indications astronomiques ; il faut bien garder en tête que les montres sont une représentation graphique et simplifiée des mouvements de notre planète dans l'univers (ou du moins, dans le système solaire). Aussi est-ce bien l'astronomie qui mène à l'horlogerie et non l'inverse. L'astrolabe est peut-être l'ancêtre de l'horloge... Le système d'Antikiythera était fait pour donner tout plein d'indications astronomiques, plus que l'heure ; avait-on seulement la notion d'heure, à l'époque ?
C'est donc un juste retour des choses d'indiquer quelques autres notions astronomiques sur une montre, en sus de l'heure et des minutes. On trouvera l'heure du lever et du coucher du soleil, l'équation du temps, la carte du ciel étoilé, la position de certaines planètes dans les constellations du zodiaque, et d'autres indications encore, précises, sur une montre-bracelet, pour quelqu'un qui porte la montre là où cette dernière a été conçue et n'en bouge pas. Le genre de montre idéale pour Jean Rostand qui a passé 30 ans dans sa demeure à étudier des mouches.
Ces indications, peu ou même pas du tout utilisées de nos jours, ne sont là qu'à titre de très grandes complications pour élever la montre à ce qu'elle représente en termes de prouesse horlogère : une montre plus chère que ma propre existence (sic).
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- les mesures de temps courts ; tout ce qui est chronographe ou qui compte et "marque" des temps parfois inférieurs à la minute, qui nécessitent une précision la plus ultime possible, souvent inférieur au 100è de minute.
Alors d'abord, on va préciser d'emblée que "Chronomètre" est un certificat (norme ISO 3159), lorsque Chronographe est le mot qu'on voulait dire. Cela vient simplement du fait que l'invention de Nicolas Rieussec écrivait proprement (enfin, presque, mais à l'encre suisse en tout cas !) la mesure du temps court qui était compté.
Les chronographes se distinguent, d'un point de vue complication horlogère, par les systèmes employés - cames ou roue à colonnes - et ce qu'ils doivent afficher, notamment ce à quoi correspond un tour d'aiguille dans un cadran, et quels cadrans il faut. Aussi le nombre d'aiguilles qui vont compter ces temps courts, et le nombre de poussoirs qu'il faut pour démarrer le comptage, l'arrêter, le remettre à zéro. Le reste est histoire de graduation.
Avec un chronographe, on peut savoir combien de temps on arrive à tenir sans respirer, à quelle vitesse roule notre Reno 5 turbo-lide, à quelle distance se trouve l'orage qui vient de zébrer le ciel avant de faire "braouuum", à quel point je suis amoureux d'après mes pulsations cardiaques, en attendant Marie... Avec un chronographe, on surveille la cuisson des nouilles, parce que les nouilles, comme le confirmera Angelo Bonati, ça se mange "Al Dente", voire "Al Casser la Dente".
Parce qu'un chronographe avait besoin d'être encore plus compliqué, on y ajoute un type : Simple... Retour-en-vol, pour remettre à zéro et redémarrer en un clic, ou un tchik... Rattrapante pour que 2 aiguilles fassent la route ensemble mais se disputent de temps à autres jusqu'à ce que la raison l'emporte que que l'aiguille femelle revienne toujours aux côtés de sa moitié...
Au fait : l'affichage des secondes, que ce soit par une aiguille centrale ou sous forme de petite seconde, n'a rien d'anodin.
C'est une complication qui préfigure probablement le chronographe dans le sens où cela permet d'estimer un temps court avec précision, mais sans pouvoir "marquer" cette mesure.
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- l'indication du décompte d'un temps restant ; c'est la régate qui semble se prévaloir de l'origine de cette complication, bien que la cuisson des spaghetti y soit également fortement liée. La plupart des montres possédant cette complication décomptent 10 minutes, ce qui correspond au standard de régate le plus courant ainsi qu'aux Lustucru. Mais il en est bien sûr de tous les décomptes et de toutes les utilisations. Aurais-je fait ce cauchemar d'une Bregoultre-Philistantin que l'on m'offrait qui décomptait les minutes restantes de ma vie ici bas ?
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- l'indication des marées ; à ne pas confondre avec l'indicateur de raz-de-marée qui est encore à l'état d'étude chez certains horlogers futuristes. Il s'agit d'une complication compliquée car elle tient compte de beaucoup de paramètres. En outre, cette indication, utile aux ramasseurs de moules et plaisanciers habitant loin de la Suisse, doit être réglée pour une latitude donnée. Peut-être quelque chose à développer ?!
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- le deuxième fuseau horaire, ou plus ; encore une complication utile à beaucoup, depuis 1884, date à laquelle les fuseaux horaires ont été institués. Du point de vue horloger, la complication n'est pas la pire, en théorie. Mais les systèmes sont très variés car c'est la lisibilité et la possibilité de facilement modifier une heure sans changer l'autre qui a apporté tous ces différents systèmes toujours plus ingénieux. La plus belle montre du genre est sans conteste la Jaeger-LeCoultre Master HomeTime (modèle 2004), mais les offres sont très variées. Certaines montres offrent la possibilité de lire l'heure dans tous les fuseaux horaires d'un seul coup d'œil, mais il est fortement recommandé d'avoir un cachet d'aspirine sous la main. Notez que pour rendre la complication plus compliquée, il est souvent indiqué si l'heure "secondaire" est ante meridiem ou post meridiem, indiqué sous forme "jour-nuit". Si cette dernière indication est présente sur une montre qui n'affiche pas de second fuseau horaire, c'est que ça sert lorsqu'on a désespérément trop bu et qu'on ne sait même plus s'il fait jour ou nuit.
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- L'indication GMT, qui ne sert à RIEN si la graduation n'est pas tournante mais permet de trouver le nord si vraiment toutes les conditions sont réunies pour que vous puissiez le trouver même sans ça.
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- L'indication de la réserve de marche ; que la montre soit automatique ou à remontage manuel, l'indication de combien de temps il reste avant la prochaine secouille obligatoire (entendez par là ce que vous voulez ; les connaisseurs n'entendent plus très bien, paraît-il !) est une indication aussi utile qu'une jauge à essence dans une automobile. Certaines marques semblent s'être spécialisées dans cette indication et d'autres s'en servent pour afficher ostensiblement leur grosse réserve.
Il reste que cette complication peut être utilisée comme compte à rebours dès lors qu'on retire sa montre du poignet.
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- Petite et Grande sonnerie ; non contents d'habiter juste à côté de l'église et d'entendre les cloches sonner toutes les heures, certains horlogers ont cru bon d'introduire cette complication en ajoutant même la sonnerie des quarts d'heure.
Ajoutez à ça une boîte à musique, et c'est la fiesta toutes les heures, voire tous les quarts d'heures. Complication pour les
nostalgiques des comtoises que grand-père laissait sonner toute la nuit. Heureusement, sur les montres, les sonneries sont équipées également d'un verrou pour ne pas être obligé de faire chambre à part.
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- Alarme ; bizarrement, c'est la complication la moins appréciée des horlogers qui est probablement la plus utile. En voyage ou dans le salon pendant que les coquillettes cuisent, il est bon de pouvoir compter sur une sonnerie programmée pour laisser le temps s'écouler sans s'y accrocher comme un coucou.
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- Répétition ; qu'elle soit des quarts ou carrément des minutes, la sonnerie de répétition du temps est probablement la plus grande complication qui soit car il faut que le mécanisme "mémorise" l'heure pour le reproduire sous forme d'une sonnerie. Que l'on en juge en regardant un mouvement : on y trouve une surprise à chaque fois !
Cette complication n'est utile que parce qu'elle est compliquée... ou peut-être aux aveugles. Elle me rappelle toujours ce panneau en bois à un mètre cinquante des rails d'une montagne russe, qui disait "attention à la tête", et qui n'était là que pour indiquer de baisser la tête... A CAUSE DU PANNEAU !!
Une question me turluraude néanmoins : pourquoi une répétition des quarts et pas des dizaines, ce qui eut été plus simple à interpréter pour mon cerveau au calibre d'un mouvement baguette (pour ne pas dire calibre 101) ?
Certes, ces répétitions des dizaines existent, mais sont très très rares !
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- les complications d'ordre conceptuel servant à présenter les choses différemment ou à améliorer la précision, l'affichage et le fonctionnement ; Si les heures sautantes sont faites pour désolidariser un peu plus les montres du mouvement de rotation de la Terre, les secondes sautantes sont quant à elles, le nec plus ultra en matière de snobisme : elles font croire à un mouvement électronique à quartz !
Si on vous vend une montre à affichages rétrogrades, ne croyez pas que vous aurez forcément affaire à une vintage ! Tout est affaire de place.
Certaines montres se compliquent vraiment l'existence en matière d'affichage ; j'en veux pour preuve l'Urwerk UR-202 ou la quantième perpétuel de Calibre101 présenté ici.
Mais à la course vers la précision ultime, les horlogers sont des pilotes hors pairs. Il existe le tourbillon, dont l'efficacité sur une montre-bracelet est empiriquement démontrée... nulle ! Le Carrousel, cousin du tourbillon, mais en plus compliqué encore. Les gyrotourbillons, les résonateurs, les différents échappements, la forme des dents de roues, les roulements, les matériaux utilisés, insensibles au froid, au chaud, aux chocs et aux champs magnétiques... tout est passé au crible du génie des horlogers pour tenter sans cesse d'améliorer la précision des montres dans l'espoir qu'une montre mécanique puisse être aussi précise un jour qu'une pauvre montre électronique radiopilotée à 10 euros.
:sm27:
On a opéré un transfert de la nécessité au plaisir d'avoir ces complications comme le chronographe, la répétition ou l'équation du temps. Les complications actuelles, encore toutes nées d'une nécessité réelle lorsque l'électronique ne permettait pas les indications (ou amélioration, pour le tourbillon) qu'elles fournissent, ne subsistent que parce qu'elles sont représentatives de ce qu'il y a de plus beau dans le génie humain : la capacité d'inventer, suivant les moyens et le degré d'avancée technologique, ce dont on a vraiment besoin.
Les chronographes servaient véritablement aux courses, et en particulier aux courses automobiles (d'où les liens si forts). C'est aujourd'hui le symbole de la sportivité mais qui n'est vraiment plus utile qu'à mesurer son ego. Les comptes à rebours sont bien moins utiles aux régatiers qu'à la satisfaction de ceux qui arborent à la fois le bateau et la Girard-Perrefaux BMW-Oracle. Et à quoi servent vraiment les indications astronomiques ? Qui vérifie sur sa montre, pour un vrai besoin pratique, le nombre de minutes qui séparent le temps vrai du temps moyen ? Quel astronome se rappelle les constellations grâce à sa Van Cleef & Arpels "Midnight in Paris" ? Les tourbillons et autres carrousels n'augmentent pas la précision des montres-bracelets, mais uniquement leur prix ! Ce sont des complications dans le sens de ce que Freud prévient : la torture de l'esprit (pour être poli).
L'important aujourd'hui est de rendre hommage à tout ce génie horloger qui a créé toutes ces complications pour des raisons de nécessité, en les admirant et les arborrant au poignet (lorsqu'on en a les moyens), exposant ainsi fièrement les prouesses d'une profession qui regroupe autant de domaines de compétence.

Parce que tout ça n'arrive pas à la cheville de ce que l'on fait avec l'électronique. Imaginez plutôt : un simple téléphone portable donne aujourd'hui l'heure, et peut dans bien des cas servir de chronographe avec temps intermédiaires, de compte à rebours, de réveil, et s'ajuste automatiquement sur l'heure officielle atomique la plus proche.
Bientôt, on pourrait croire qu'une marque de montres oserait sortir un téléphone portable et qualifier la fonction téléphone de complication horlogère !
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