Ça se complique à Sion !


Imagessis devant mon Vittel-menthe au café Domino, attendant mon train de 12h06 pour Paris en feuilletant le magasine « Montres et taux » sans arriver à fixer le moindre mot des articles qui y sont proposés, je laisse mon esprit s’enfuir vers ses occupations personnelles avec mon inconscient, sans pouvoir intervenir. Mais peu m’importe, à Sion.
Apercevant, au coin d’une page nonchalamment tournée, un garde-temps saturé des plus complexes complications horlogères qui soient, la très controversée Franck Muller Aeternitas Méga 4, ma conscience reprend du service, redémarre là où elle s’était arrêtée lorsque je déambulais paresseusement autour du lac de Montorge quelques dizaines de minutes plus tôt, et remet en route mon système réflexif : « mais à quoi peuvent bien servir toutes ces fonctions délirantes sur une montre ? » me susurre-je.
Il est vrai qu’en faisant la liste exhaustive de ce qu’offre cette montre comme indications, on imagine plus vite la description d’un nouvel ordinateur pour amuser les enfants que celle d’une œuvre de très haut degré de raffinement et d’art horloger. Or c’est bien d’une montre qu’il s’agit. Songez plutôt : Heures, minutes, heure sur 24 heures, chronographe, rattrapante, deux autres fuseaux horaires, réserve de marche, phases de lune, équation du temps, quantième séculaire, date, mois, jour de la semaine, année et indication de la bissextilité, grande sonnerie, répétition minutes, sans parler du tourbillon qui n’indique rien d’autre qu’un peu plus de complication… On aurait pu ajouter les heures de lever et coucher du soleil, un maréographe, un réveil et encore plein d’innovations, pourquoi pas !? C’est une montre suisse : ok, ça doit être comme les couteaux-suisses qui font couteau, scie, cure-dents, ciseaux, pince à épiler, tapette à mouches, sécateur, tournedos, burin, tour à pivoter, marteau-piqueur, poinçon (d’Ibach, pas de Genève) et tournebroche. Mais bon, sur les couteaux-suisses, c’est utile !
Mais sur une montre ?!
Avalant une gorgée de mon breuvage vert limite fluo – espoir d’un peu de radioactivité me transformant en super-héros, je l’espère moins vilain que Hulk – je me suis mis à cogiter… Réflexion, réflexion…
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A quoi pourraient bien servir ces complications que ces merveilleux garde-temps suisses nous offrent (impudence, au prix où on les paye) ? Comment valoriser pleinement, et ainsi justifier davantage l’achat auprès de nos épouses, les montres qui, jusque là, nous font passer pour ce que nous sommes : des grands enfants ? Pourquoi choisir un modèle par sa complication en expliquant au vendeur, très sérieusement, qu’on a besoin de connaître l’heure des marées alors qu’on habite à Bienne ?
Mon train ne part que dans 1 heure. J’ai le temps d’étudier ces complications une à une. Ce qu’il faut garder en tête c’est que ces fonctions sont inutiles aujourd’hui. Mais toutes sont nées de véritables besoins et répondent avec majesté au défi mécanique qu’imposait la nécessité de chronométrer des événements sportifs, de faire sonner l’heure pour être plus discret en société, d’astrologiquer en fonction des phases de lune, de franchir la ligne de départ de la régate à temps, de connaître enfin l’heure de Sydney en même temps que celle d’ici, différente, à Sion.
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La plus populaire de toutes, celle par qui la sportivité arrive, c’est le chronographe. Plus de montre à chronographe dans les compétitions ou les entrainements, mais de plus en plus de modèles chez les concessionnaires de tous poils. Alors pourquoi ?
Le chronographe, de nos jours, sert à organiser, à régler sa vie, à la rendre aussi précise que celle d’un cambrioleur de banques. On chronomètre tout : les temps de trajet pour aller au bureau, l’ascenseur pour arriver chez soi, le temps passé aux ouatères, le grillage du pain de mie dans le toaster, sa femme au téléphone avec sa sœur, les pleurs du p’tit en une journée… Et on fait des statistiques. Et on ajuste ses actions en fonctions des résultats. Et on perd moins de temps à se retrouver en avance, à oublier le pain de mie dans le toaster, à redouter que le p’tit s’emballe… Et on devient vite dingue, aussi, mais ça c’est un aspect secondaire, un effet indésirable. D’ailleurs, les plus accrocs s’orienteront vers les modèles à rattrapante ou les retour-en-vol permettant de chronométrer plus et plus vite. Ceux qui possèdent le top sont en général suivis par Miss Ratchett : « Mais si Miss Ratchett : j’vous jure que le lundi, je mets en moyenne 4 min. 17 sec. de moins pour faire le tour du pâté de maison à trottinette que le samedi, jour où les commerces sont ouverts. Je vous laisse, je dois encore mettre la girafe avec les boules multicolores dans la baignoire. »
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L’affichage de la phase de lune est une complication plus poétique. On pourrait songer à l’utiliser pour la biodynamie, mais ce domaine est trop sérieux pour n’avoir QUE la phase de lune comme critère. Avoir une montre qui montre si le croissant fait un d ou un p lorsqu’on lui rajoute la petite barre est un brin parnassien, voire infantile, aussi faut-il lui trouver un intérêt également poétique, ou qui stimule l’imaginatif. C’est donc à chaque porteur de trouver ce que signifiera la « pleine lune » ou la « nouvelle lune » - permettant ainsi aux psychologues du monde entier de disposer d’un point d’analyse supplémentaire – en fonction de ses habitudes ou de ses propres besoins ; ne fumer une cigarette qu’une fois tous les 29 jours et demi. Le jour d’offrir des fleurs à sa femmes (car c’est le moment, vu son humeur…). Demander des nouvelles de son ami des Amériques. Ne pas se raser pour faire son loup-garou… S’acheter une nouvelle montre, bref, tout est bon pour se synchroniser avec une phase de lune et l’indication devient enfin utile.
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Ding-dong : c’est la récré ! Sans que cela vienne des montres, notre vie a toujours été réglée sur des sonneries de rappel des quelques événements quotidiens comme la récréation à l’école, la pause café, cigarette... Ces pauses étant généralement synchronisées sur l’heure juste, c’est tout ce qui sonnait, le clocher du village ou la comtoise, qui marquait ces moments. C’est maintenant les montres à sonnerie : petite, pour ceux qui n’abusent pas, et grande, pour les fonctionnaires français. Une fois par heure (davantage pour les Grandes sonneries), rappelez-vous qu’il est temps de prendre le temps.
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Pour la répétition minutes, il faut rappeler que cette complication extrême a été inventée non pas pour permettre à ceux qui n’arrivent pas à lire l’heure de la connaître, mais avant tout pour éviter de reluquer sa tocante ostentatoirement et démontrer ainsi le manque d’intérêt aux discussions en cours en bonne société. Les valeurs allant comme le bon goût, ne nous attardons plus désormais à ne pas froisser son entourage mais soyons malins (au sens premier) et modernes avec toute notre invention ; les sonneries de téléphone mobile étant aussi éclectiques et différentes que les acariens dans le fauteuil d’un informaticien, il n’est pas inepte de confondre les timbres d’une F.P. Journe Répétition Souvenaire avec un appel urgent auquel il faut impérativement répondre. Cette complication, désormais, sortira d’un traquenard comme une réunion futile (pléonasme), une discussion avec des gens futiles (moi ?!) ou une rencontre avec la "jf-27-blnde-grsse ptrne-prt à tt" des petites annonces, qui s’avère être "vf-57-rsse clrée-grsse&mche-dsprée". Une petite pression sur la commande et hop!, une sonnerie que l’on fait passer pour le mobile. Puis un peu de comédie : « oui chérie, que se passe-t-il ? …j’arrive tout de suite ! » et vous voilà sorti d’affaire.
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Pour l’équation du temps, j’ai eu du mal… Mais finalement, c’est cette difficulté qui a donné l’explication : cette complication ne sert qu’à se raconter. Le quidam moyen – celui qui ne s’intéresse pas à Horlogerie-Suisse – ne connaît rien de cette complication. D’ailleurs, celui qui la possède non plus, généralement. L’idée est donc que pour la rendre utile, il faut bien la connaître. L’origine de l’équation du temps est toujours très controversée, que ce soit dans l’utilisation qu’on en avait autrefois ou pour son origine (ellipticité de l'orbite ou obliquité de la Terre) ; lancer le débat par une approche explicative permet à la fois de frimer un grand coup en exhibant la montre et de se retrouver protagoniste de l’ambiance, à condition de connaître son sujet (suffisamment pour faire illusion, du moins). Vous serez ainsi à l’initiative des plus longues et pointues discussions en soirée ou dans la salle détente du salon de Bâle. Plus encore si l'équation du temps est marchante, mais là, c'est la grande grande classe. Méfiez-vous cependant de ceux qui ont une montre à répétition minutes… :wink:
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Cette liste de complications n’est pas exhaustive bien entendu, mais il faut avouer que beaucoup d’entre elles restent véritablement pratiques. Et puis… un peu à vous de réhabiliter ces fonctions parce que moi, j’ai mon tr…
Et zut ! J’en ai oublié de regarder… :horlogecoucou: …l’heure de ma montre ! …et j’ai raté mon train.
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Le bon parlé par les montres


Lors d'un dîner dans un charmant petit restaurant Parisien situé dans les beaux jupons de Montmartre, restaurant vietnamien - le Sourire d'Hô-Chi-Minh, il me semble - il m'est apparu, coincé à côté d'une table d'adeptes de l'horlogerie de poignet (rien à voir avec la secouille du plaisir), que le langage des "pros" de ce milieu est d'une particularité particulière...
:shock:
Pour vous intégrer correctement aux discussions de ces tablées horlogères :
Ne dites pas montre, mais dite garde-temps
Ne dites pas ressort, mais dites spiral
Ne dites pas date, mais dites quantième
Ne dites pas stylo, mais dites instrument d'écriture (je sais, c'est pas pour les montres, mais c'est du même snobisme)
Ne dites pas revendeur, mais dites hadé
Ne dites pas alligator, mais dites, au choix, Alig n'a pas raison ou bien croco
Ne dites pas singularité, mais dites ADN
Ne dites pas engrenage, mais dites roue, ou à la limite, rouage
Ne dites pas plein de roues mais dites train de rouage
Ne dites pas une montre précise comme un sniper, mais dites un chronomètre
Ne dites pas chronomètre, mais dites chronographe
Ne dites pas petit cadran ridicule, mais dites compteur de minutes
Ne dites pas de gros mots
Ne dites pas jauge de fonctionnement, mais dites Airdéhème
Ne dites pas phase de lune, mais dites cycle de madame
Ne dites pas l'heure de l'aiguille bizarre qui fait le tour en 24h, mais dites GMT
Ne dites pas pustules, mais dites extraordinaires rivets en or de la couronne d'une Vianney Halter
Ne dites pas ancienne, mais dites vintage
Ne dites pas jlc9000, mais dites hl9000
Ne dites pas photo de ma montre au poignet, mais dites wristshot
Ne dites pas j'me la joue comme le modo avec ses Hautlence, mais dites wristshot
Ne dite pas mécanisme, mais dites calibre
Ne dites pas Savoyard Tête de Lard, mais dites Calibre101
Ne dites pas J'aime pô, mais dites comme Johan
Ne dites pas Chef, mais dites Prof
Ne dites pas le meilleur forum d'horlogerie mais dites :h-s.com:
Ne dites pas que désormais vous ne savez pas...

A vous les studios :sm27:

Noël en Janvier...


Image Le retour des rennes multicolores et du traineau du gros rougeot aux flocons pelliculaires annonce clairement cette merveilleuse chanson qui fredonne doucement au coin de l'inconscient de tous les enfants joyeux : Noël... c'est Noël !!
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Et avec Noël : les cadeaux !! ImageImageImageImageImage
Dans ma liste, un unique souhait : la voir (...et peut-être un jour, l'avoir) :arrow: viewtopic.php?f=1&t=12367#p113930
Evidemment, c'est égoïste, comme souhait... mais je vais essayer de partager ce que j'ai pu ressentir...
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En entrant dans la manufacture Janvier, il faut oublier les codes habituels de l'horlogerie de luxe actuelle et se focaliser sur l'amour du travail horloger... Point de Lamborghini garée devant la maison : on serait plus adepte d'une belle Delahaye... à retaper :clin:
Image Repensez aux époques où l'on fabriquait des machines avec toute la fierté de créer quelque chose de génial - ce terme n'était pas galvaudé. Ces objets étaient signés comme si chaque ouvrier concourrait pour faire la plus belle oeuvre.
Les montres de Vianney Halter sont des oeuvres sans équivalent... Toutes les photos ne sauraient exprimer à quel point la somme de travail sur chacun des composants ressort de tout son éclat dans un tout qui est comme la plus parfaite démonstration de l'histoire entière de l'horlogerie ainsi que du raffinement de ce que le maximum est fait pour que la qualité soit optimum...
Songez plutôt : 7 jours pour tailler, graver, brosser, polir et finir une seule de ces aiguilles-soleils. Pas deux identiques !!
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De même, cette lune qui, selon le mécanisme d'Antide Janvier, indique par deux aiguilles à la fois son âge et sa phase, est un tout petit (2 mm. je crois...) et pourtant merveilleux bout de platine gravé et poli à la main pour reproduire l'aspect d'une lune pleine avec ses mers. Montée sur une aiguille, elle sera plus ou moins recouverte d'un autre disque, pour afficher sa phase... les deux aiguilles n'ont pas reçu le même traitement : c'eût été trop simple ! L'aiguille de lune est polie et bleuie et celle du cache est brossée. On tutoie ici les grandes oeuvres d'antan...
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Le boîtier... On pourrait se dire qu'une boîte est une boîte ; seule la qualité du design, du matériaux, du fraisage et des finitions pourraient distinguer une belle boîte d'une très belle boîte, et une très belle boîte de celle de la JANVIER N°1, mais non... il y a bien plus !
Là encore, le soin apporté aux rivets, au brossage, aux "pustules" (Hein Fabala !! Tu nous as bien fait marrer...) de la couronne qui sont des rivets en or insérés un à un dans les trous prévus et maintenus de l'intérieur par le cabochon également en or poli... un boulot d'orfèvre, rien que pour une couronne !!
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Le cadran... quoi de plus c..n qu'un cadran, me direz-vous ?! Pouvez-vous imaginer qu'une personne puisse passer des jours et des jours (et pas tout seul, en pusss) à faire tous les essais du monde pour obtenir LE cadran souhaité, c'est à dire ce cadran en argent gravé par les petite mimines de Madame la graveuse-polisseuse (pas confondre avec polissone !!) et traité de façon qu'il semble s'accaparer la lumière en ne restituant que la pureté d'un blanc sans reflet ? Pas de verni vieillissant... pas de procédé chimique complexe et mal maîtrisé... Le traitement a été très long à trouver mais le résultat n'a aucun égal sur le marché des cadrans, c'est garanti !!
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Tous les éléments constituant cette merveille sont à la même enseigne. Être témoin du dernier assemblage de cette montre, c'est comme assister à l'inauguration des Jardins de Babylone !! Tout a été pensé dans le sens du raffinement et de la qualité ultime. Admirez simplement le disque de la date en cours de gravage... les aiguilles à peine bleuies à la main (et sélectionnées pour qu'elles soient du même bleu !!!)...
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Cette montre est un chef d'oeuvre... Parce qu'elle est incontestablement belle à en crever et ne souffre aucune comparaison avec les productions modernes de grande ou même moyenne série... Ca n'est pas le but d'ailleurs, mais c'est un de ces chefs d'oeuvre qu'on ne se lasse pas d'admirer et qu'on finira bien (on l'imagine déjà) par trouver dans un de ces beaux livres sur les grandes oeuvres du XXIè siècle, son style étant intemporel. C'est aussi une merveille d'horlogerie : qu'on ne s'y trompe pas !
Equation du temps marchante (vous pouvez les compter sur les doigts d'une seule main, celles qui ont ça)... Phases et âge de la lune avec mécanisme à la mémoire d'Antide Janvier... Date... Remontoir automatique mystérieux (brevet VH), et qui marche (pas comme d'autre montres où, comme disait un ami chinois : "pour remonter montre, il faut faire boucou boucou sport !")... Et une montre réglée, incroyablement précise, qui s'amuserait du COSC... Une montre facilement réglable, enfin... Une montre portable... Une vraie montre, quoi ! Imaginez simplement la complexité du système central qui fait passer 6 aiguilles dans un même axe : et pourtant, elle tourne !
==> http://www.youtube.com/watch?v=Idi_W88iMGg

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[8] :photographe:


Cette "maison" est un lieu hors du temps, hors du monde tel qu'on l'aperçoit aux infos de 20 heures, hors de tout ce qui est nuisible...
La devise de JANVIER SA. pourrait être : "Sors tes doigts de là où ils sont coincés à s'engourdir !" :lol:
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Montre : parle-nous de toi.


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Plus c’est n’importe quoi, plus c’est pour n’importe qui, n’importe comment.
« No more secrets ». Nous sommes à l’ère de la transparence, l’époque où tout nous est dévoilé et parfois même avant de voir les effets, on connaît tout de la cause. Les films aux meilleurs effets spéciaux n’ont plus de secret pour personne. Les meilleurs tours de magie sont notés selon leur degré de technicité puisqu’on en sait les trucs. On sait même à quel point les publicités nous manipulent et pourquoi les rayons des supermarchés s’élargissent vers le fond et présentent toujours les produits aux meilleures marges en devanture, à hauteur des yeux. Nous ne sommes plus dupes : le café Grand-Mère n’est pas fabriqué par la sœur de la mère Denis et le directeur de la fabrication des confitures Bonne Maman est un homme jeune, célibataire et sans enfant. Pire, il ne fait plus aucun doute que le cochon dans mon saucisson Corse soit… chinois !
On sait tout, on nous dit tout !
Vous pensez maintenant qu’il s’agit d’une introduction pour la présentation d’une nouvelle montre squelette, n’est-ce pas ? Pourquoi pas… La Jaeger-LeCoultre Reverso « Art Déco » 822 squelette mériterait bien qu’on s’y attarde.
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Mais parlons plutôt de ce qu’on nous dit, tout à la fois.
Entre les média surdéveloppés qui nous racontent les coulisses de tout et les documentaires qu’on croirait réalisés grâce aux fuites des plus prodigieux espions dépassant tout ce qu’on a pu voir dans les romans de Tom Clancy ou John Le Carré, documentaires relatant l’incroyable vérité de ces études neuro-psycho-cognitives servant à l’asservissement des classes populaires ignorantes pour le bénéfice des nantis informés, nous ne devrions guère nous laisser manipuler par les slogans et les associations simplistes de ces vils marketeux dévoués à la cause de la surconsommation contemporaine.
Aucun d’entre nous, de ceux qui parcourons ce site horloger, ne devrait plonger dans l’admiration béate d’une Longines définie comme résultant d’une habileté pluri-séculaire transmise de génération en génération jusqu’à aujourd’hui, où la montre, certes très belle, n’emboîte tout de même qu’un mouvement industriel fabriqué presque entièrement par des machines dépourvues de tout autre métier que celui qui est inscrit dans leur programme. Personne ne devrait acheter une Speedmaster juste parce qu’il est tout le temps dans la lune.
Et pourtant…
« Jamais vous ne posséderez complètement une Patek-Philippe. Vous en serez juste le gardien pour les générations futures. »
« Breitling, l’instrument des professionnels. »
« Perrelet, inventeur de la montre automatique »
Quand on y songe consciemment, il paraît improbable que les montres Patek-Philippe soient déclarées patrimoine de l’humanité à l’UNESCO, que les pilotes professionnels se fient exclusivement à leur Breitling mécaniques ou que M. Joseph Florès ait tort.
Ces slogans, même si ça vous semble un énorme paradoxe, sont bien tirés de la vraie vie réelle, et… ils fonctionnent !
Niels Bohr, le prix Nobel de physique, répondait à un journaliste venu l’entretenir chez lui et qui s’étonnait de trouver un fer à cheval accroché à la porte d’entrée d’un grand physicien comme lui : « il paraît que ça porte bonheur même quand on y croit pas ! »
La plupart de ces discours marketing, de ces slogans, aussi ridicules paraissent-ils, fonctionnent tout de même relativement bien, jusqu’à un certain point, car les sciences cognitives sont plus fortes que notre conscience : les associations, les réflexes conditionnés ainsi que tous les conditionnements se font bien malgré nos possibilités de les maîtriser. Il y a longtemps que les grands maîtres de la manipulation de nos cervelets ont parfaitement compris les rouages de ces idées reçues. On peut bien les révéler, ils n’en demeurent pas moins efficaces, si l’on ne prend pas le temps de la réflexion pour redonner à la conscience sa suprématie sur l’inconscient.
Un exemple bête :
Sans perdre de temps, associez très vite les MOTS entre eux :
1) Bleu ......a) outremer
2) orange ......b) coquelicot
3) Rouge ......c) Agrume

Le temps de la réflexion. C’est justement au passage du sentiment à la raison, lors de la décision d’achat, qu’il convient de prendre son temps, de prendre le temps de la réflexion.
Or, c’est souvent là qu’il y a précipitation ! Et c’est bien sur ce point que comptent les vils marketeux…
Mais ce qu’il y a de plus surprenant, c’est que ce syndrome soit si caricatural : plus on s’adresse à des gens aisés, donc des personnes qui ont normalement les moyens de prendre le temps de la réflexion et qui, en outre, ont généralement eu les moyens de se cultiver, plus les discours sont… comment dire… sont… glands ! Non vraiment, j’ai pas d’autre mot : glands.
Prendrait-on à ce point les amateurs de belles montres pour des sots qu’un brin de flagornerie suffise à les rendre prodigues :
« Entre performance et élégance, ce chronographe automatique affiche une lisibilité extrême… Ce chronographe aux finitions traditionnelles et raffinées est muni d’un mouvement mécanique haut de gamme ( un 7751 !!)… ce mythique instrument de plongée ne fait aucun compromis sur les qualités techniques qui ont forgé sa légende, et frappe par son look entièrement redessiné. La lunette surmoulée de caoutchouc s’anime de chiffres inclinés et de cannelures renforçant la note technique et la vocation à l’exploit… instrument exclusif, élégant accessoire pour le client connaisseur et collectionneur de montres… marque synonyme, à travers le monde, de performances, d’exception, d’art, de précision et de luxe contemporain…»
Pour les montres dites « de luxe », la jobarderie atteint tout de même des hauteurs où l’oxygène se raréfie ; comment cela peut-il encore fonctionner ?
Et si ce n’est le discours, c’est par des associations qu’on tente de nous faire croire au monde merveilleux de « Oui-Oui l’horloger » ; des belles voitures de sport à la Lune, ou Mars en passant par toutes les conquêtes du monde, tout est bon pour nous embrouiller et imprimer directement dans notre inconscient que telle ou telle montre est plus résistante, plus noble, plus horlogère même si l’on pense aux certifications dont les normes n’ont pas changé depuis 50 ans. Cela fonctionne t-il ? Personne, chez les acheteurs de belles montres, ne prend donc le temps de la réflexion ?
Remarquez, toutes les marques ne sont pas à la même enseigne. Il en va des dossiers de presse comme des discussions de salon : moins il y a de choses à dire, plus les propos sont ineptes. Les montres qui ont de l’intérêt se passent souvent de discours flatteurs ; quelque description factuelle suffit généralement. Voyez Hautlence.
Mais globalement, il semble que pour les objets de luxe, et pour les montres en particulier, le marketing le plus niais soit de mise et ce, à une époque où tout nous est expliqué, montré clairement et où donc (est passé ce cossard d’Ornicar ?) la finesse serait de rigueur. Le marketing a toujours été l’art de nous prendre pour des imbéciles, sauf que désormais, on sait qu’on est pris pour un nigaud. En sommes-nous à ce point que malgré tout cela fonctionne ou navigue-t-on en plein paradoxe ?
Pour ma fierté, j’espère la deuxième solution, mais alors : revoyez votre copie, messieurs les annonceurs !
:clin:
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L'effet physique du temps au 8ème de seconde...


Chers forumectateurs, bonjour Image
Quelques amis revenant de leur convolution en noces dans la baie d'Halong, j'ai, hier soir, songé qu'il serait sympathique de les inviter à dîner dans le meilleur restaurant vietnamien qui soit, celui de Richard donc, sans publicité aucune Image
Mais voilà : Richard est LE Monsieur montres de Paris, l'incontournable, l'inénarrable et géniale personne chez qui tous les grandes, les vraies rencontres horlogères se font.
Ca n'a pas loupé : moi qui pensais dîner peinard, j'ai croisé une bande de dingues de montres dont je préfère taire le nom car certains sont même présents sur ce forum Image
Il reste que, malgré mon envie de m'éloigner ne serait-ce que le temps d'une petite sauterie entre bonzes amis, j'ai passé ma soirée à admirer quelques montres qu'on ne voit pas bien souvent, pas même en boutique. Richard ne manquera pas de poster des photos, j'en suis certain...
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Parmi ces montres, une m'a tout particulièrement impressionné : la Habring² seconde morte et foudroyante de Monsieur Ed the Grocer de chez Chronomania.
Les photos et la vidéo que vous pouvez voir ci-dessous sont même les siennes. Merci à lui pour ça !
La montre est relativement (très relativement) simple et je ne vais pas la présenter comme un catalogue le ferait, mais je vais tenter de vous décrire l'effet que cette montre très originale m'a fait. Je sais : je vous raconte ma vie depuis le début, mais je suis narcissique, c'est comme ça. Si vous êtes déjà ennuyé par mon ego sur-dimensionné, allez lire ça, vous serez calmés.
Globalement, la montre me plait assez esthétiquement. Le cadran est très beau. Le mouvement est un Valgranges qui ne méritait probablement pas un fond transparent, mais c'est du costaud et de la très bonne qualité. La montre est un peu épaisse et revendique probablement par là son origine Autrichienne, mais Ed l'Engrosseur :wink: a très très bien su en tirer parti avec un bracelet magnifique et très épais en croco corné qui n'est pas celui des photos ci-dessous, et une boucle incroyablement poétique, inspirée et symbolique. Je vous laisse les mots clés suivants : vanité et Memento Mori ("écris un mémo pour te souvenir que tu vas mourir !")
Ce qui me plait vraiment incroyablement, c'est l'idée et l'effet que produisent ses complications (...de la montre, hein ? ...vous pigez ce que j'dis ?!)
Regardez bien : Trois aiguilles centrales, heure, minutes et secondes mortes, et un compteur posé comme une petite seconde avec une foudroyante.
Un coup d'oeil sur la montre laisserait penser qu'il s'agirait d'un chronographe... Mais non ! :shock:
Et c'est ça qui est terrible : cette trotteuse qui tourne pas à pas comme si on pouvait l'arrêter quelque part, et cette foudroyante qui fonce à la vitesse d'un balancier au galop qui indiquerait bien les huitièmes de seconde si tant est qu'on ait le temps de lire son indication, mais rien ne l'arrête.
Du coup, c'est stressant ! La montre provoque un véritable effet physique en contractant tout l'intérieur de soi-même à chaque regard sur son cadran : l'effet du temps qui passe, sensible à chaque seconde.
Comme on est tous masochiste (si si... c'est mon psy qui me l'a dit : c'est universel, on aime tous souffrir !), on prend le temps de la regarder cette montre. Ca devient ludique. Et poétique à la fois. Le ventre tout contracté (j'ai pas pu avaler mon nem au crabe à ce moment là !), on reste des minutes entières à regarder cette combinaison insolite - foudroyante et seconde morte - en songeant combien ça serait bien si on pouvait l'arrêter (la montre), combien ça serait bien si on pouvait l'arrêter (le temps).
La première montre que je vois de toute ma vie entière totale qui me provoque une telle réaction physique. Et j'ai beaucoup aimé...
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Encore merci à Ed le gros Sir
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Fond et surtout... détail de la boucle absolument superbe !
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VIDEO pour se faire une bonne idée


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