Ça se complique à Sion !


Imagessis devant mon Vittel-menthe au café Domino, attendant mon train de 12h06 pour Paris en feuilletant le magasine « Montres et taux » sans arriver à fixer le moindre mot des articles qui y sont proposés, je laisse mon esprit s’enfuir vers ses occupations personnelles avec mon inconscient, sans pouvoir intervenir. Mais peu m’importe, à Sion.
Apercevant, au coin d’une page nonchalamment tournée, un garde-temps saturé des plus complexes complications horlogères qui soient, la très controversée Franck Muller Aeternitas Méga 4, ma conscience reprend du service, redémarre là où elle s’était arrêtée lorsque je déambulais paresseusement autour du lac de Montorge quelques dizaines de minutes plus tôt, et remet en route mon système réflexif : « mais à quoi peuvent bien servir toutes ces fonctions délirantes sur une montre ? » me susurre-je.
Il est vrai qu’en faisant la liste exhaustive de ce qu’offre cette montre comme indications, on imagine plus vite la description d’un nouvel ordinateur pour amuser les enfants que celle d’une œuvre de très haut degré de raffinement et d’art horloger. Or c’est bien d’une montre qu’il s’agit. Songez plutôt : Heures, minutes, heure sur 24 heures, chronographe, rattrapante, deux autres fuseaux horaires, réserve de marche, phases de lune, équation du temps, quantième séculaire, date, mois, jour de la semaine, année et indication de la bissextilité, grande sonnerie, répétition minutes, sans parler du tourbillon qui n’indique rien d’autre qu’un peu plus de complication… On aurait pu ajouter les heures de lever et coucher du soleil, un maréographe, un réveil et encore plein d’innovations, pourquoi pas !? C’est une montre suisse : ok, ça doit être comme les couteaux-suisses qui font couteau, scie, cure-dents, ciseaux, pince à épiler, tapette à mouches, sécateur, tournedos, burin, tour à pivoter, marteau-piqueur, poinçon (d’Ibach, pas de Genève) et tournebroche. Mais bon, sur les couteaux-suisses, c’est utile !
Mais sur une montre ?!
Avalant une gorgée de mon breuvage vert limite fluo – espoir d’un peu de radioactivité me transformant en super-héros, je l’espère moins vilain que Hulk – je me suis mis à cogiter… Réflexion, réflexion…
Image
A quoi pourraient bien servir ces complications que ces merveilleux garde-temps suisses nous offrent (impudence, au prix où on les paye) ? Comment valoriser pleinement, et ainsi justifier davantage l’achat auprès de nos épouses, les montres qui, jusque là, nous font passer pour ce que nous sommes : des grands enfants ? Pourquoi choisir un modèle par sa complication en expliquant au vendeur, très sérieusement, qu’on a besoin de connaître l’heure des marées alors qu’on habite à Bienne ?
Mon train ne part que dans 1 heure. J’ai le temps d’étudier ces complications une à une. Ce qu’il faut garder en tête c’est que ces fonctions sont inutiles aujourd’hui. Mais toutes sont nées de véritables besoins et répondent avec majesté au défi mécanique qu’imposait la nécessité de chronométrer des événements sportifs, de faire sonner l’heure pour être plus discret en société, d’astrologiquer en fonction des phases de lune, de franchir la ligne de départ de la régate à temps, de connaître enfin l’heure de Sydney en même temps que celle d’ici, différente, à Sion.
Image
La plus populaire de toutes, celle par qui la sportivité arrive, c’est le chronographe. Plus de montre à chronographe dans les compétitions ou les entrainements, mais de plus en plus de modèles chez les concessionnaires de tous poils. Alors pourquoi ?
Le chronographe, de nos jours, sert à organiser, à régler sa vie, à la rendre aussi précise que celle d’un cambrioleur de banques. On chronomètre tout : les temps de trajet pour aller au bureau, l’ascenseur pour arriver chez soi, le temps passé aux ouatères, le grillage du pain de mie dans le toaster, sa femme au téléphone avec sa sœur, les pleurs du p’tit en une journée… Et on fait des statistiques. Et on ajuste ses actions en fonctions des résultats. Et on perd moins de temps à se retrouver en avance, à oublier le pain de mie dans le toaster, à redouter que le p’tit s’emballe… Et on devient vite dingue, aussi, mais ça c’est un aspect secondaire, un effet indésirable. D’ailleurs, les plus accrocs s’orienteront vers les modèles à rattrapante ou les retour-en-vol permettant de chronométrer plus et plus vite. Ceux qui possèdent le top sont en général suivis par Miss Ratchett : « Mais si Miss Ratchett : j’vous jure que le lundi, je mets en moyenne 4 min. 17 sec. de moins pour faire le tour du pâté de maison à trottinette que le samedi, jour où les commerces sont ouverts. Je vous laisse, je dois encore mettre la girafe avec les boules multicolores dans la baignoire. »
Image
L’affichage de la phase de lune est une complication plus poétique. On pourrait songer à l’utiliser pour la biodynamie, mais ce domaine est trop sérieux pour n’avoir QUE la phase de lune comme critère. Avoir une montre qui montre si le croissant fait un d ou un p lorsqu’on lui rajoute la petite barre est un brin parnassien, voire infantile, aussi faut-il lui trouver un intérêt également poétique, ou qui stimule l’imaginatif. C’est donc à chaque porteur de trouver ce que signifiera la « pleine lune » ou la « nouvelle lune » - permettant ainsi aux psychologues du monde entier de disposer d’un point d’analyse supplémentaire – en fonction de ses habitudes ou de ses propres besoins ; ne fumer une cigarette qu’une fois tous les 29 jours et demi. Le jour d’offrir des fleurs à sa femmes (car c’est le moment, vu son humeur…). Demander des nouvelles de son ami des Amériques. Ne pas se raser pour faire son loup-garou… S’acheter une nouvelle montre, bref, tout est bon pour se synchroniser avec une phase de lune et l’indication devient enfin utile.
Image
Ding-dong : c’est la récré ! Sans que cela vienne des montres, notre vie a toujours été réglée sur des sonneries de rappel des quelques événements quotidiens comme la récréation à l’école, la pause café, cigarette... Ces pauses étant généralement synchronisées sur l’heure juste, c’est tout ce qui sonnait, le clocher du village ou la comtoise, qui marquait ces moments. C’est maintenant les montres à sonnerie : petite, pour ceux qui n’abusent pas, et grande, pour les fonctionnaires français. Une fois par heure (davantage pour les Grandes sonneries), rappelez-vous qu’il est temps de prendre le temps.
Image
Pour la répétition minutes, il faut rappeler que cette complication extrême a été inventée non pas pour permettre à ceux qui n’arrivent pas à lire l’heure de la connaître, mais avant tout pour éviter de reluquer sa tocante ostentatoirement et démontrer ainsi le manque d’intérêt aux discussions en cours en bonne société. Les valeurs allant comme le bon goût, ne nous attardons plus désormais à ne pas froisser son entourage mais soyons malins (au sens premier) et modernes avec toute notre invention ; les sonneries de téléphone mobile étant aussi éclectiques et différentes que les acariens dans le fauteuil d’un informaticien, il n’est pas inepte de confondre les timbres d’une F.P. Journe Répétition Souvenaire avec un appel urgent auquel il faut impérativement répondre. Cette complication, désormais, sortira d’un traquenard comme une réunion futile (pléonasme), une discussion avec des gens futiles (moi ?!) ou une rencontre avec la "jf-27-blnde-grsse ptrne-prt à tt" des petites annonces, qui s’avère être "vf-57-rsse clrée-grsse&mche-dsprée". Une petite pression sur la commande et hop!, une sonnerie que l’on fait passer pour le mobile. Puis un peu de comédie : « oui chérie, que se passe-t-il ? …j’arrive tout de suite ! » et vous voilà sorti d’affaire.
Image
Pour l’équation du temps, j’ai eu du mal… Mais finalement, c’est cette difficulté qui a donné l’explication : cette complication ne sert qu’à se raconter. Le quidam moyen – celui qui ne s’intéresse pas à Horlogerie-Suisse – ne connaît rien de cette complication. D’ailleurs, celui qui la possède non plus, généralement. L’idée est donc que pour la rendre utile, il faut bien la connaître. L’origine de l’équation du temps est toujours très controversée, que ce soit dans l’utilisation qu’on en avait autrefois ou pour son origine (ellipticité de l'orbite ou obliquité de la Terre) ; lancer le débat par une approche explicative permet à la fois de frimer un grand coup en exhibant la montre et de se retrouver protagoniste de l’ambiance, à condition de connaître son sujet (suffisamment pour faire illusion, du moins). Vous serez ainsi à l’initiative des plus longues et pointues discussions en soirée ou dans la salle détente du salon de Bâle. Plus encore si l'équation du temps est marchante, mais là, c'est la grande grande classe. Méfiez-vous cependant de ceux qui ont une montre à répétition minutes… :wink:
Image
Cette liste de complications n’est pas exhaustive bien entendu, mais il faut avouer que beaucoup d’entre elles restent véritablement pratiques. Et puis… un peu à vous de réhabiliter ces fonctions parce que moi, j’ai mon tr…
Et zut ! J’en ai oublié de regarder… :horlogecoucou: …l’heure de ma montre ! …et j’ai raté mon train.
Image

Le bon parlé par les montres


Lors d'un dîner dans un charmant petit restaurant Parisien situé dans les beaux jupons de Montmartre, restaurant vietnamien - le Sourire d'Hô-Chi-Minh, il me semble - il m'est apparu, coincé à côté d'une table d'adeptes de l'horlogerie de poignet (rien à voir avec la secouille du plaisir), que le langage des "pros" de ce milieu est d'une particularité particulière...
:shock:
Pour vous intégrer correctement aux discussions de ces tablées horlogères :
Ne dites pas montre, mais dite garde-temps
Ne dites pas ressort, mais dites spiral
Ne dites pas date, mais dites quantième
Ne dites pas stylo, mais dites instrument d'écriture (je sais, c'est pas pour les montres, mais c'est du même snobisme)
Ne dites pas revendeur, mais dites hadé
Ne dites pas alligator, mais dites, au choix, Alig n'a pas raison ou bien croco
Ne dites pas singularité, mais dites ADN
Ne dites pas engrenage, mais dites roue, ou à la limite, rouage
Ne dites pas plein de roues mais dites train de rouage
Ne dites pas une montre précise comme un sniper, mais dites un chronomètre
Ne dites pas chronomètre, mais dites chronographe
Ne dites pas petit cadran ridicule, mais dites compteur de minutes
Ne dites pas de gros mots
Ne dites pas jauge de fonctionnement, mais dites Airdéhème
Ne dites pas phase de lune, mais dites cycle de madame
Ne dites pas l'heure de l'aiguille bizarre qui fait le tour en 24h, mais dites GMT
Ne dites pas pustules, mais dites extraordinaires rivets en or de la couronne d'une Vianney Halter
Ne dites pas ancienne, mais dites vintage
Ne dites pas jlc9000, mais dites hl9000
Ne dites pas photo de ma montre au poignet, mais dites wristshot
Ne dites pas j'me la joue comme le modo avec ses Hautlence, mais dites wristshot
Ne dite pas mécanisme, mais dites calibre
Ne dites pas Savoyard Tête de Lard, mais dites Calibre101
Ne dites pas J'aime pô, mais dites comme Johan
Ne dites pas Chef, mais dites Prof
Ne dites pas le meilleur forum d'horlogerie mais dites :h-s.com:
Ne dites pas que désormais vous ne savez pas...

A vous les studios :sm27: