Bientôt JANVIER


Imageon nom est Janvier. Antide Janvier.
Tout petit, je n’était pas grand. Mais très vite, je le suis devenu.
Mon nom laisse à penser que je suis d’un autre temps que les moins de 100 ans ne peuvent pas comprendre, mais c’est plus loin encore : je suis né en 1751. En ces temps là on appelait fréquemment les gens Cunégond, Philomène, Aristide, Louis-Charles ou Antide. Moi, c’est Antide, mais ça se passait bien, même auprès de mes petits camarades. En tout cas, malgré ce prénom plutôt singulier, on me respecte, surtout aujourd’hui. Je suis décédé aujourd’hui : on est le 24 septembre 1835.
Image
Je suis né en 1751, oui, mais à Brive, sans S. C’est près de Lavans, qui n’est pas trop loin (quoique, pour l’époque…) de Saint-Claude, dans le Jura français.
Je suis maître horloger, même si la définition de maître horloger n’est pas clairement établie. Disons simplement que je suis un grand horloger très célèbre, si grand que Vianney Halter m’honnorera en nommant sa manufacture de mon patronyme, ainsi que son plus beau modèle de montre bracelet à complications astronomiques.
Pourquoi astronomiques ?!
Image
Car c’est par là que j’ai commencé… par les mouvements planétaires et leur mise en forme dans des instruments d’observation, les planétaires.
Mon père, Claude Etienne, était agriculteur, ce qui ne me destinait pas tant que ça, au commencement, à l’horlogerie. C’est d’ailleurs pour cela que je suis né tout petit. Mais il était agriculteur repenti : il s’intéressait aux horloges et leurs mécanismes compliqués jusqu’à se définir lui-même horloger. Je me souviens d’un soir, pendant le souper, ou il s’est levé pour m’expliquer qu’un jour le silicium nous perdrait, nous-autres, horlogers de nature… c’est une autre histoire.
Toujours est-il qu’il était suffisamment horloger pour déceler en moi une espèce de talent inné pour ce qui était des mécanismes à représenter le temps, et décide très tôt (vers 6h30 le matin, d’après l’horloge Ellicot qu’on voyait par la fenêtre) de confier mon enseignement scolaire à l’abbée Tournier de Saint-Claude pour qui j’ai le plus grand respect. Ce dernier m’a tout appris : les langues (qui sont mortes par la suite, Grec et Latin), les maths et la physique, et en particulier l’astronomie qui, vous l’avez deviné, me passionne mais alors… énormément !
On m’a dit que j’étais un peu extraordinairement doué, très intelligent et super-comprenant. A 15 ans, je me suis lancé dans l’élaboration d’une sphère mouvante. La Sphère Mouvante - n’allez pas faire des cauchemars - est juste un ensemble de cercles imbriqués les uns dans les autres permettant de figurer les orbites respectives des différentes planètes du système solaire, et se mouvant, tel Charlot dans Les Temps Modernes, de façon automatique et horlogère pour présenter la position de ces planètes à une date données. J’ai mis un an et demi pour finir cette sphère mouvante, à l’âge de 15 ans donc, et j’étais suffisamment content de mon travail pour aller le présenter à l’Académie des Sciences, Arts et Lettres de Besançon. Ca leur a plu, je crois, car les beaux messieurs de l’Académie m’ont donné un petit papier – que j’ai fait encadrer – où il est écrit :
« Le sieur Antide Janvier, de Saint-Claude, ayant présenté à l’Académie une sphère où il a exécuté par des mouvements un système d’astronomie, cette compagnie a cru qu’on ne pouvait donner trop d’éloges et d’encouragements à un jeune homme de 17 ans dont l’industrie ferait honneur à un mécanicien consommé, elle a regardé comme un acte de justice de lui accorder le présent certificat. »
Image
Du coup, en 1770, je me suis incrusté et les académiciens ont dépéché quelque érudit, M. Devanne, pour finir de me faire apprendre l’horlogerie. Cette même année, puisqu’étant membre de l’Académie, je me trouve un appart’ à Besançon et un p’tit boulot de ravaudage de l’horloge de table du cardinal de Granvelle, pour commencer… Mais pendant que j’y étais, je me suis mis officiellement, comme horloger, à fabriquer quelques horloges, parce qu’en ces temps-là, fallait commencer tôt à accumuler ses points de retraite. Cette année était riche. Un grand planétaire (un peu comme des sphères mouvantes mais en plus spécifique et pas en forme de sphère) qui figurait les planètes avec leurs mouvements, les satellites, les différents points de solstice, d’équinoxe, etc. fut présenté à Louis XV (prononcez « quinze » et pas « ixe-vé »), le roi reignant.
Image
En 1771, pour une raison que je tiens à garder discrète, j’ai déménagé et suis allé m’installer à Morez. C’est pas bien loin, on reste dans le Jura. Morez, sa boulangerie, son église, son école et ses maisons secondaires. Morez, sa coutellerie et surtout : Morez, ses futurs horlogers ! Installé au hameau des Chalettes, à Morez donc, j’ai enseigné mon savoir horloger parfait de l’éducation de M .Devanne et du père Tournier et agrémenté des mes connaissances approfondies en mathématiques pour les rapports de roues, les dents ainsi que les différents calculs savants d’horlogerie, aux apprentis du coin, dont beaucoup envisageaient d’ailleurs leur travail de l’autre côté de la proche frontière Suisse. Le tout cependant que j’améliorait encore mes connaissances personnelles et mon travail propre ; d’aucun m’attribueront d’ailleurs l’introduction de l’aiguille des minutes, mais c’est plus tard.
Je restai à dispenser mon savoir en 1771 et 1772 à Morez donc, mais bien vite, j’ai senti qu’il ne s’agissait là que d’un trop petit bourg et je suis allé, en 1773, habiter à Verdun.
Verdun, sa boulangerie, son église, son école et ses maisons secondaires… Rien de bien original mais il y fait froid et il y avait un petit bazar tout près de chez moi, bien pratique pour qui veut continuer à travailler dans l’horlogerie car on y trouvait notamment de l’essence C très facilement. A Verdun, donc, j’ai continué ma production toujours plus élaborée de planétaires, comme celui qui me valut d’être présenté à Louis XV en 1770, et j’élargis le cercle de mes connaissances, notamment à celle qui deviendrait ma femme en 1783. Tout ça me fit déménager à Paris en 1774.
Paris, ses boulangeries, ses églises, ses écoles et ses maisons principales… A Paris, fort de mes connaissances, je rencontre Lavale, astronome du roi Louis XVI, qui me fait entrer à son service (celui du roi).
Image
Pour le roi, très impressionné, j’ai notablement réalisé deux pendules à sphère (une pendule, pour montrer l’heure quilée, et la sphère dessus, pour les p’tites planètes du système solaire, dont le mouvement est lié à l’heure et la date affichés sur la pendule), une sphère géocentrique et l’autre héliocentrique. C’était si beau et en 1784 (zeugma) que Louis XVI me nomma officiellement « horloger du roy » et m’installa à l’hôtel des Menus-Plaisirs, à Versailles.
Tout ravi que j’étais, et en pleine euphorie de ma gloire consacrée, j’ai alors construit ma célèbre pendule polycamératique (animant plusieurs cadrans) qui siègeait au pavillon de l’école lyrique, et j’eûs pour travail, entre autres, de l’entretenir. J’ai aussi présenté à la reine Marie-Antoinette, en 1792, une pendule géographique (à fuseaux horaires), avant même de ne jamais finir la pendule à marées que son mari de Louis XVI m’avait commandé. Bref, tout allait bien à l’époque : la belle vie, les lunettes de soleil, les doigts de pieds en épouvantail et un job qui me passionnait.
Image Image
En 1793, j’ai emménagé au Louvre, Louis XVI ayant perdu la tête, et me suis dégotté des tas de petits jobs sympas pourvoyant à mon style de vie assez flambeur (je jouais beaucoup, pariais mes Rolex…) et me permettant de fabriquer des pendules et horloges pour les 6 coins de France ainsi que d’écrire des tas d’ouvrages que vous retrouverez facilement, au XXIème siècle, en cherchant sur le web ( ?!).
En 1803, Napoléon souhaitant faire du palais du Louvre un immense musée moderne, il m’a relogé dans un pavillon de l’Académie Française. Et j’ai bougé pour la dernière fois dans la rue Saint-André-des-Arts, alors dans la misère, avant de finir où je suis maintenant. Dès 1806, j’ai fait faillite parce que j’étais très grand en horlogerie, mais très mauvais en gestion financière. Personne n’a manqué de générosité, et beaucoup ont tenté de m’aider, d’autant plus que j’étais Franc-Maçon, mais c’était trop pour moi, j’étais incapable de gérer correctement mes affaire. J’ai cependant continué de réaliser des merveilles horlogères, mais plus pour rester dans les bonnes grâces de l’Empire que pour remonter mes dettes.
Je suis mort en 1835, mais ça vous le savez.
Mon chef d’œuvre est, de façon consensuelle, l’horloge à 4 faces et sphère mouvante à planétaire que j’ai commencée en 1789 et finie en 1801.
De façon générale, j'ai beaucoup apporté à l'horlogerie, et on retiendra :arrow: http://www.horlogerie-suisse.com/articl ... nance.html
J’ai également beaucoup publié, et je suis donc rentré dans l’histoire comme un des plus grands et célèbres horlogers de l’histoire, bien qu’oublié par beaucoup, probablement en raison de ma misère finale.
Image
Un autre grand horloger, Vianney Halter (http://www.horlogerie-suisse.com/articl ... -2007.html), fondera, en 1994 sa manufacture appelée, en mon honneur, JANVIER S.A., laquelle produira la plus extraordinaire et la plus belle (si si… il faut bien la considérer, et on la trouve à l’écart de toutes modes, de tous temps, des consensus et des notions d’âge, puis extraordinairement belle) des montres-bracelets à complications astronomique, la Janvier N°1, que vous envisagerez après les fêtes de Noël…
bientôt Janvier
:horlogecoucou:
Image Image :photographe: Image Image
Image Image :photographe: Image Image
Image Image
Image
:coucou:

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire