Décès de Nicolas HAYEK †

C'est un bien triste jour...
Au delà de l'homme, que peu d'entre nous devions connaître, j'imagine, c'est évidemment toute l'horlogerie mécanique, l'horlogerie d'art, l'horlogerie de prestige, voire l'horlogerie tout court, et surtout Breguet (Swatch aussi bien sûr) qui doit être en deuil aujourd'hui.
En fait, pas besoin de l'avoir personnellement connu : si on aime l'horlogerie, on ne peut qu'être très tristes du décès de Nicolas G.Hayek.
Il était à l'origine de la résurrection de l'horlogerie mécanique et, par amour fusionnel de cet art, en tant qu'entrepreneur dans le sens le plus noble que ce terme puisse avoir, il a su orienter et développer le renouveau des montres mécaniques de sorte que si j'aime ça aujourd'hui, si nous tous sur ce forum aimons passionnément cela aujourd'hui, c'est principalement à lui que nous le devons.
Nous avons perdu un grand, très grand personnage.
Et je suis en deuil également...
Mes montres s'arrêteront un moment à sa mémoire et en pensée pour sa famille.
Adieu et Merci pour tout, M.Nicolas G. Hayek...
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Breguet 7027 en partance pour Horlogerie-Suisse

« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément » disait Boileau… L’apophtegme eut pu être celui de Breguet pour cette 7027Tradition’ qui dévoile sa mécanique comme si l’horlogerie n’était au fond qu’un jeu de roues accomodées.
L’essentiel est là, construit comme un jardin zen ; chaque pièce à sa place, mais pas trop, laissant aux autres la leur. Aucun compromis pour enjoliver telle ou telle partie. Point de superflu. La montre telle qu’elle se définit, sans ostentation et sans prétention, et pourtant, elle a tout.
Cette montre est simplement incroyable : lorsqu’on la regarde, on a l’impression que tout est très simple, que l’horlogerie est simple. C’est simple, on a l’impression qu’il manque des éléments et qu’elle ne peut pas fonctionner en l’état. « Et pourtant, elle tourne ! », comme dirait l’autre (Galilée, pour ceux qui veulent éviter de trop réfléchir).
Sur une montre comme celle-ci, on le conçoit, lire l’heure devient secondaire. Le cadran, d’ailleurs, est ridiculement petit et si Rolex avait su faire ce genre de beauté horlogère, ils n’auraient pas pu s’empêcher d’y accoler un cyclope, n’est-il pas ? La montre pour l’horlogerie. La montre musée. La montre qui met le plus en valeur le fondement du mécanisme de montre. La montre pour lire l’horlogerie.
Mais attention, cette montre reste une montre tout ce qu’il y a de plus horloger et tout ce qu’il y a de plus abouti : des finitions parfaites et splendides, les mécanismes les moins nobles sont subtilement cachés (remontoir), le cadran est guilloché main, tous les pivots sont rubisés et le balancier monométallique est d’une modernité folle, le spiral est évidemment Breguet, le pare-chute est splendide et efficace et les glaces (fond également) sont en saphir. Même une complication : la réserve de marche. Une montre 100% moderne.
L’esthétique affolante de cette montre ne laisse aucun doute sur le fait que sa simplicité n’est qu’apparente. La disposition symétrique des ponts et la classe raffinée des roues ne se sont certainement pas imposés comme cela. Comme toutes les belles choses, elles n’apparaissent aussi pures dans leur beauté que parce qu’un énorme travail a été effectué en amont.
Une montre très bien conçue, et ce qui se conçoit bien… c’est clair, non ?
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Au fait : si vous vous demandez ce qu'il me prend de causer de cette montre, ben c'est parce que :
1) on est sur un forum d'horlogerie pour ça, non ? :P
2) parce que j'envisage d'acheter ce petit bijou très bientôt car j'ai du goût, moi, dans mes compulsions horlogères... pas comme certains avec leurs trucs de gonzesse à 2 balles...
:horlogecoucou:

Scarleeeeeeeeeett, je t'aiiiime... Non chérie... j'déconn... Aïe !!... Ouille !... c'est pas vrai... aïe !... pas taper... ouille !...

Vianney Halter - ???

Image :arrow: http://www.vianney-halter.com/
Quelque part sur Terre existent des portes menant à d’autres univers parallèles où coexistent des mondes proches et cependant différents. Vianney Halter, comme toute la manufacture Janvier, est située derrière un de ces portails. Ses montres sont les clés qui permettent d’ouvrir le passage vers le monde de Vianney Halter ; lorsqu’on apprécie l’Antiqua, la Trio ou la Classic, lorsqu’on l’aime, qu’on la perçoit pleinement, on est entré dans un monde fantastique à la manière d’Alice au Pays des Merveilles.
A la fin des années 1980, pour diverses raisons, l’ardeur juvénile pour la technologie a disparu. L’annonce d’un voyage dans l’espace ne suscite aujourd’hui plus la joie ni l’engouement qu’elle aurait provoqués au début du XXe siècle, mais davantage la méfiance ou le mépris, cependant que Jules Verne ou Robert Sheckley captive et émerveille toujours autant. Le besoin de rêver, de créer des mondes imaginaires ne s’estompe pas, mais les sources qui alimentent cet enthousiasme se raréfient.
Les montres de Vianney Halter sont semblables à ces romans fantastiques ; un simple regard et elles transportent dans une histoire hors du monde réel.
On est ici sans compromis ni soumission à des diktats commerciaux : Vianney Halter matérialise, dans chaque montre, la fiction qui l’anime. Et il s’agit de science fiction, de celle qui ne sert qu’à s’affranchir des réalités contraignantes pour élargir le champ des possibilités à un univers fanstasmagorique où la technologie n’est pas évolutive dans le temps, mais seulement dans l’empreinte esthétique qu’elle laisse aux objets comme ces hublots rivetés, symboles du Steampunk. Respirez bien et relisez ça plusieurs fois : vous verrez qu’au fond, ça veut quand même dire quelque chose !
Manufacture Janvier
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Il ne s’agit pas uniquement d’esthétisme ou d’un effet de paraître. C’est un état d’esprit complet, et il s’agit avant tout d’horlogerie : Vianney Halter est un horloger hors du temps. Ses montres sont faites à la main suivant des techniques également hors du temps, hors de toutes notions de modernité et de productivité. Songez qu’il faut 7 jours pleins pour sculpter l’aiguille « soleil » de l’équation du temps marchante de la Classic Janvier, et encore un jour pour la polir… Admirez ces découpes, ces ponts, ces ressorts, ces anglages… que seuls quelques horlogers maîtrisent, comme le confirmait un certain Steyr : « Je peux témoigner du travail exceptionnel effectué sur ces montres. "Exceptionnel", je maintiens, car je pense que les marques pouvant revendiquer la fabrication d'autant de pièces, mécaniques et habillage, en interne, et à ce niveau de finition, se comptent sur les doigt d'une main... accidentée. »
Ce travail à la main rentre dans la logique du monde prodigieux dans le quel on rentre en regardant les montres car il ne permet plus d’expliquer les prouesses de ces finitions exceptionnelles par la capacité des machines actuelles et il s’inscrit bien dans la science fiction où l’impossible devient possible.
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Et on entre dans la collection « Futur Antérieur » comme pour insister sur cette notion d’intemporalité. Sur toutes ces montres, pour bien afficher la totalité de l’histoire qu’elles racontent, le fond est toujours transparent pour mieux voir le mouvement. Or les montres sont automatiques : la masse oscillante est accrochée au rotor suivant un principe breveté qu’on pourrait appeler « le rotor mystérieux ». Tout un programme !
L’Antiqua est, d’après Vianney Halter, la montre qu’aurait portée H.G. Wells pour voyager dans le temps avec sa machine. Une montre qui ne pouvait être que perpétuelle et à quantièmes perpétuels !! L’histoire est ici à ce point complète que la montre est fournie dans un coffret spécifique dédié qui n’est autre qu’un remontoir au style complétant parfaitement la montre avec ce hublot riveté façon Nautilus : pour que jamais la montre ne s’arrête, et H.G. Wells ne se perde dans le temps.
La Classic est l’héritière de l’Antiqua, reprenant les mêmes codes tout en revenant au classique, comme son nom l’évoque. Et la Classic Janvier extrapole la Classic à l’apogée de l’horlogerie en rendant hommage à Antide Janvier avec des complications astronomiques uniques et typiques.
Les Trio, la simple et la grande date, complètent cette collection par une étude sur la montre rectangulaire. Et si le bijou ultime était simplement un lingot d’or ? Les montres rectangulaires sont habituellement pensées comme les rondes et emboîtent des mouvements ronds adaptés à un boîtier. La démarche de la Trio a été de penser rectangle depuis le design jusqu’au mouvement, dans ce sens, et c’est la seule montre véritablement rectangulaire. Encore une fois, on ne sait pas de quelle monde parallèle et à quelle époque elle figure le canon de l’élégance horlogère, mais la porter sur Terre aujourd’hui fait incontestablement voyager loin… far far away !
Vianney Halter a pourtant les pieds sur Terre et reste en contact avec ses pairs ; il a travaillé en collaboration avec Egana Goldpfeil pour une montre hors de toutes catégories et un modèle unique (en son genre) et surtout avec Maximilien Büsser (qui n’avait pas encore d’amis), alors patron de Harry Winston, pour le 3ème Opus de la collection « Opus ». Si les Goldpfeil sont vraiment à part, à mi-chemin entre la recherche joaillière et l’inspiration Haltérienne – l’une fait penser à boîtier d’appareil photo ancien ou une machine ancienne, l’autre au cosmos – l’Opus 3 d’Harry Winston est bien encore une montre portant pleinement cet « ADN » particulier. Une montre qui fait voyager jusque dans des dimensions parallèles (ici dans un monde post-apocalyptique*) avec son compteur de fin d’heure…
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Si l’on définit l’art comme l’expression d’un monde intérieur, de sentiments comme ceux qui accompagnent des souvenirs ou l’évocation d’une idée qu’on se fait de quelque chose qu’on arrive pas à décrire, alors Vianney Halter est bien un artiste-horloger… peut-être même un des rares artistes-horlogers, précurseur d’un mouvement bien typé dans ce domaine : le Steampunk.
:photographe:
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L’Antiqua, inséparable de sa boîte
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La Classic
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La Classic Janvier
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La Trio Grande Date
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Les « Contemporaine » – Collection ‘’Halter Tempus’’
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Pour Goldpfeil…
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Pour Harry Winston : Opus 3
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(*) l’inspiration est « Le monde, la chair, le diable », film de Ranald MacDougall.


Bonus...
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:horlogecoucou:

Du C01.211 pour le mursingue


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Il y a un truc que je ne comprends pas, mais alors pas du tout : qu’est-ce qui oblige cette frange étrange de la population, que je vais appeler « les mursingues », à acheter des montres mécaniques ? Ils meurent s’ils n’ont pas une montre mécanique avant une certaine date ? …ou ils sont virés de chez eux, ou alors ils perdent leur capacité à marcher droit ? …ils vont être virés ? …quoi ?
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Le mursingue, descendant de celui qui reste convaincu, malgré le démenti, qu’on a raté sa vie si à 50 ans on ne possède pas une Rolex, se reconnaît assez facilement bien que ni l’âge, ni la culture ni même la couleur des pieds ne soit un indice car il pose systématiquement la même question sur les fora horlogers : « qu’est-ce que je peux acheter comme montre mécanique pour moins de 300 euros ? »
La montre mécanique, ça sert strictement à rien, ok ? L’heure, on peut la lire partout, sur tous les appareils électroniques de la vie quotidienne ; c’est donc pas pour avoir l’heure qu’on veut une montre mécanique. En plus, pour la précision, tu repasseras. T’as beau acheter une automatique comme mille richards, le premier Jacky qui passe avec sa G-shock t’humilie sur le sujet façon p’tit Nicolas à l’opéra. Ca nourrit pas non plus… ça réchauffe pas… ça fait rien de spécial : juste, ça serre le poignet si on l’ajuste un peu trop serrée. La montre mécanique, c’est rien que pour la frime ou alors parce que c’est beau. C’est comme qui dirait comme si qu’on s’achetait un tableau qu’on porterait au poignet et qu’on l’aimerait parce qu’on est un fan du peintre, qu’on connaît la technique du pointillé-bavé ou qu’on admire la facture picturale salée. Mais alors : pourquoi acheter une montre pas cher ?!! C’est quoi le truc ?
:shock:
Parce que pour que la montre elle soye pas cher, y a pas d’secret : elle est pas belle non plus ! Et pour la frime, t’es d’la revoyure.
Y a bien des marques qui, cupides et avides de donner à tous ces mursingues ce qu’hérétiquement ils demandent, se précipitent dans ces niches de la sur-consommation en créant quelques tocantes ridicules à vil prix, mais en gros, une montre mécanique qu’on veut pour les seules raisons que j’veux bien accepter de percevoir dans ma ford interne, eh ben c’est fait avec des matériaux solides et résistant, avec des heures de travail qu’il faut bien payer quelque part, même dans les contrées reculées de la Suisse enneigée. Bref, si le mursingue a du répondant, c’est qu’il y a des marsoils prêts à tout pour piller leur pognon ; mais ce répondant, c’est pas dans l’horlogerie qu’il se trouve.
Parce que le mursingue, comme le péquin et comme mézigue, il cherche une vraie montre en fait. Une montre qui en jette : soit parce qu’elle est très belle, soit parce qu’elle claque, soit parce qu’elle témoigne d’un ouvrage horloger, mais une montre qui laissera Scarlett Johansson sur son mignon séant.
Image La seule différence, chez le mursingue, c’est qu’il met le prix comme premier critère. C’est abérrant…
Attention quand même ! Le mursingue, je lui jette pas les cailloux dans la poire cause qu’il faudrait que j’commence par moi-même. Et puis faut pas le confondre avec celui qui essaye simplement d’acheter une montre mécanique au moins cher, celui qui fait baisser le prix ; ça c’est de bonne guerre, c’est le marchandage. Et surtout... surtout... le mursingue, il a le mérite de pas s’être lancé dans l’envisageage d’une contrefaçon : mursingue oui, mais pas crétin !
:horlogecoucou:
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Steyr chez Vianney Halter

La présentation de la Manufacture Janvier par Steyr :
http://www.tempered-online.com/forums/v ... .php?t=343


Etonnant, captivant, envoutant...

Marketing : légitimité horlogère ou historique ?

M. Joseph FLORES (alias Jojo) nous a très judicieusement relevé cet article (http://www.horlogerie-suisse.com/forum/viewtopic.php?f=1&t=12502&st=0&sk=t&sd=a&start=15#p119087), d'auteur non cité, qui AMHA© met très clairement en mots ce que je peux penser de la majorité des communications des "grandes" marques horlogères...
Au delà de Perrelet, qui est loin d'être la seule marque à prendre ses clients pour des pommes, quelques commentaires sur cet (AMHA©) excellent article ?

==> http://www.zewhiterabbit.com/2010/06/04/le-chateau-de-cartes-de-perrelet-sa/
Ze White Rabbit a écrit:Le château de cartes de Perrelet SA
par Ze White Rabbit | Vendredi 4 juin 2010
L’ère industrielle de l’horlogerie suisse vit éclore une multitude de marques dans la Watch Valley. La crise du quartz des années 1980 faillit laisser toute cette industrie sur le carreau si ce n’est pour quelques consortiums, marques et fournisseurs qui réussirent bon gré mal gré à survivre. Tout comme la dynastie du Danemark, la dernière en Europe à pouvoir revendiquer une ascendance ininterrompue remontant au XIe siècle, il restait quelques marques dont le prestige perdurait depuis plus d’un siècle. Dans l’univers de l’horlogerie, s’il est peu de marques qui peuvent se targuer d’une histoire ininterrompue, il en est encore moins qui peuvent se vanter d’être restées aux mains d’une seule lignée de gestionnaires depuis leur création. Rolex est la seule qui me vient à l’esprit (les suggestions sont les bienvenues).

Un deuxième âge d’or arriva, favorisé par la consolidation du Swatch Group, la conséquente disponibilité d’ébauches abordables étampées par ETA et un intérêt naissant pour la montre mécanique sur des marchés tels que l’Italie, l’Allemagne ou le Japon. Avant la crise des subprimes, le collectionneur recherchait avant tout une légitimité historique et la tentation était forte pour les spéculateurs, financiers et entrepreneurs d’exploiter une marque jadis réputée mais désormais endormie: une « belle au bois dormant ».

Arnold & Son, Badollet, Bovet, Breguet, Chronographe Suisse, Cuervo y Sobrinos, Dubey & Schaldenbrand, Enicar, Gevril, Graham, Guinand, H. Moser & Cie, Jaquet Droz, JeanRichard, Léon Hatot, Lip, Louis Moinet, Louis Erard, Marvin, Milus, Perrelet, Shellman et Vixa sont autant d’exemples de belles au bois dormant ramenées à la vie par le doux baiser de leur prince charmant.
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Abraham-Louis Breguet, que l’on met en avant comme le plus inventif des horlogers, est sans doute la « reine » des belles au bois dormant. Les droits d’exploitations de son nom ont aboutis dans l’escarcelle du Swatch Group sous l’œil attentif de Nicolas Hayek Senior, dont l’intention était d’en faire la marque horlogère la plus prestigieuse. La communication de Breguet SA s’étend aujourd’hui en long et en large sur l’histoire de l’horloger, mais il n’est peu ou prou fait mention des circonstances et de la date à laquelle les droits du nom ont été repris.
Un manuel d’histoire horlogère publié en 1952 par Alfred Chapuis et Eugène Jaquet attribuait à Abraham-Louis Perrelet quelques exemplaires non signés de montres à remontage automatique datant du 18e siècle. Les manuels d’histoire relatent également qu’Abraham-Louis Breguet « aurait racheté à son prédécesseur Perrelet de nombreuses pièces pour les améliorer ».
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Dans une logique de « la mienne est plus grosse que la tienne », un groupe d’associés obtint les droits d’exploitation du nom Perrelet et fonda Perrelet SA, une entreprise horlogère qui pouvait revendiquer une tradition, plus longue encore que celle de Breguet. Perrelet SA fit enregistrer la marque déposée « Inventeur de la montre automatique » en français et en anglais, pour bien faire rentrer dans la tête de l’amateur d’horlogerie toute la légitimité de cette marque.

C’était en s’appuyant sur la thèse de Chapuis selon laquelle Perrelet serait l’auteur de ces montres automatiques anonymes du 18e siècle.
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En 1993, au terme d’une recherche méticuleusement documentée (lire également cette discussion sur Wikipedia), Joseph Flores remit en question la thèse de Chapuis, qui était d’office relayée d’un ouvrage à l’autre depuis 1952 car considérée comme indisputable. Ces montres non signées ne seraient pas de Perrelet mais de Hubert Sarton, un horloger et inventeur citoyen de la principauté de Liège, territoire resté indépendant à travers l’histoire jusqu’à son intégration à la Belgique en 1830.

Chacun des relayeurs est évidemment embarrassé de reconnaître la thèse de Flores, ce qui reviendrait à avouer du bout des lèvres qu’ils n’ont pas consciencieusement fait leur travail d’historien avant de publier leurs ouvrages. C’est surtout la société Perrelet SA qui est embêtée, car si Perrelet n’en a pas une de plus grande que Breguet (de légitimité), c’est toute leur stratégie de communication qui s’écroule comme le château de carte qu’elle était.

Il ne reste plus à la thèse Perrelet que des présomptions, tandis que la thèse Sarton est soutenue par des documents d’époque dont la découverte fut relayée pas le journaliste horloger Gregory Pons sur son site Businessmontres.com.

De son coté, Perrelet SA continue la politique de l’autruche et continue à signer ses montres de la marque déposée « Inventeur de la montre automatique », comme sur leur collection récemment dévoilée: la First Class. C’est ce qui fait prend la mouche à Martin Péneau, l’éditeur du Blog des montres:

« …que Perrelet ignore aujourd’hui les travaux de Flores est inacceptable, et grave dans l’acier “Perrelet, inventeur de la montre automatique” et place cette maxime sous son logo est une publicité mensongère! » (viewtopic.php?f=1&t=12502&st=0&sk=t&sd=a#p118700)

Je pense que les actionnaires de Perrelet SA feraient preuve d’une grande maturité en admettant qu’ils ont misé sur le mauvais cheval et en ajustant leur communication à la réalité historique mise à jour. Cela n’enlèverait aucun mérite à leurs montres. J’ai eu l’occasion de prendre en main quelques modèles récentes, et Perrelet SA fait un remarquable travail de valeur ajoutée. Les mouvements sur base ETA sont complètement modifiés au niveau esthétique, et je ne doute pas qu’ils apportent la même attention à la mécanique et aux finitions de surface. Ce sont de très belles pièces qui valent leur pesant d’or, et selon la définition que j’ai expliquée précédemment, Perrelet SA mérite parfaitement le qualificatif de manufacture.
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De plus, les temps ont changé. Le collectionneur de l’avant crise des subprimes recherchait avant tout un pedigree. Avec la surenchère de l’offre des années de vache grasse (2002-2007), des concepts abscons tels que manufacture, nouvelle horlogerie et haute horlogerie ont changé la donne. Le collectionneur de montre ne place plus nécessairement la légitimité historique en premier, mais il recherche avant tout un objet à forte valeur mécanique ajoutée. Les horlogers morts et vifs restent très appréciés, mais les marques sans personnage ni héritage à mettre en avant n’en jouissent pas moins d’une aura: Bedat & Cie, Cvstos, D´Aguet, De Bethune, DeMonaco, Frederique Constant, Georges V, Hautlence ou Jacques Etoile sont autant de nouveaux venus de nulle part qui n’en rencontre pas moins de succès.

Ce qui m’interpelle, c’est que Flores s’était manifesté depuis 1993, et qu’entretemps personne n’a négocié avec les descendants d’Hubert Sarton les droits d’exploitation du patronyme de leur ancêtre. Il y a quelques décennies son descendant, lui-même horloger, partait en retraite. Il n’aurait pas été impossible d’attribuer un « rôle figuratif » à ce descendant au sein d’une nouvelle marque, comme c’est le cas pour Jack Heuer chez TAG Heuer, Walter Lange chez Lange & Söhn ou encore Roger Nicholas Balsiger chez H. Moser & Cie.

Quoi qu’il en est, Perrelet SA devrait probablement faire enregistrer la marque déposées « Second inventeur de la montre automatique » et commencer à l’utiliser sur ses montres. Mais à lire l’un des commentaires de Flores sur l’article de Péneau, l’erreur d’attribution ne serait que la pointe de l’iceberg: les documents d’époque font mention de plusieurs Perrelet(s) et d’un Perlet.